Mémorial des Policiers français Victimes du Devoir

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d’ORMESSON

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Brigadier

Émile GONDRY

Victime du Devoir le 31 mai 1983

Département

Paris (75)

Affectation

Préfecture de police - Paris - 9ème arrondissement

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Circonstances

Cause du décès

Homicide par arme à feu

Contexte

Guerre — Terrorisme

Au cours de l’après-midi du mardi 31 mai 1983, des policiers de la brigade anticriminalité avisèrent deux hommes porteurs de sacs très lourds, qui venaient de quitter un hall d’immeuble de la Rue Rodier dans le quartier Rochechouart à Paris (IXe), alors ciblé par une série de cambriolages.

A l’angle de l’Avenue Trudaine et de la Rue Bochart-de-Saron, les policiers procédaient à leur contrôle, ignorant que leur manœuvre avait été repérée par trois autres complices.

De façon soudaine, les malfaiteurs tiraient froidement avec des armes de poing de calibre 11,43mm et 9mm à plusieurs reprises. Le gardien de la paix Guy Adé était grièvement blessé, tandis que son collègue Claude Caïola, vingt-huit ans, était froidement abattu alors qu’il gisait à terre.

Dans le même temps, le brigadier Émile Gondry, quarante-huit ans, était tué d’une balle tirée en plein cœur par une complice ; la gardienne de la paix stagiaire qui l’accompagnait parvenait à s’abriter derrière un véhicule en stationnement sous des tirs nourris. Les malfaiteurs prenaient la fuite.

Une information judiciaire fut ouverte par M. Bruguière, pour homicides sur personnes dépositaires de l’autorité publique, tentatives d’homicides, vol aggravé et infraction à la législation sur les armes. Une trentaine de témoins furent entendus, et tous fournissaient une description détaillée des truands.

Dès le 4 juin, la brigade criminelle diffusait trois portraits robots et les renseignements généraux activaient leurs indicateurs.

L’enquête aboutit à six noms, dont quatre membres du groupe terroriste d’extrême-gauche Action Directe : Mohand Hamami, vingt-huit ans, Régis Schleicher, vingt-six ans, Claude et Nicolas Halfen, vingt-trois et vingt ans ; ainsi que deux activistes des communistes organisés pour la libération prolétarienne, réseau italien prônant la guerre sociale, spécialisé dans le trafic d’armes et l’organisation d’évasions : Franco Fiorina et Gloria Argano.

Le jour du drame, AD étroitement associée aux COLP organisait le déménagement d’un arsenal. Les sacs portés par Hamami et Fiorina étaient remplis d’armes.

Ces individus furent dénoncés par des lettres circonstanciées, destinées à M. Bruguière dans le courant du mois d’octobre par une certaine Frédérique Germain, laquelle se définit comme une repentie et proche de Claude Halfen.

Une perquisition fut menée dans un appartement, N°4 Rue Manuel, et amèna à la découverte d’empreintes, d’armes et de nombreux indices compromettants. En octobre de l’année suivante, suite aux révélations de Germain, AD transmettait un communiqué à l’AFP pour reconnaitre son implication dans la fusillade de l’Avenue Trudaine, arguant de légitime défense.

En décembre 1986, la cour d’assises de Paris ouvrit le procès impliquant Schleicher et les frères Halfen pour meurtres. Dès le début de l’audience Schleicher menaçait les juges et les jurés en leur promettant les “rigueurs de la justice prolétarienne”et refusait par la suite de comparaître. La défection de cinq jurés entraîna le renvoi du procès.

Le 13 Juin 1987, la cour d’assises spéciale de Paris condamna Schleicher à la réclusion criminelle dite à perpétuité (libéré sous conditions en 2009) ; Nicolas Halfen écopa de 10 ans de prison pour association de malfaiteurs et son frère fut acquitté.

Germain fut interpellée en juin 1984 et remit des aveux complets aux enquêteurs. Inculpée pour “association de malfaiteurs”, sa collaboration lui permit de se voir dispensée de peine par le tribunal correctionnel de Paris en 1988.

Le 7 juin 1990, la cour d’assises spéciale de Paris condamna par contumace à la réclusion criminelle dite à perpétuité Mohand Hamami, lequel fut désigné comme le meurtrier du gardien de la paix Caiola.

Bénéficiant d’un appui des services secrets algériens, ce dernier put fuir la France dès 1983 pour la petite Kabylie. Il décédait en 2022.

Capturés dans le cadre d’opérations de police antiterroriste, le duo italien Fiorina-Argano fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par la cour d’assises de Milan le 17 Mars 1992. Fiorina fut désigné comme l’auteur des tirs sur le gardien de la paix Adé ; Argano comme l’auteure du tir mortel sur le brigadier Gondry.

Biographie

Direction d'emploi

Préfecture de Police

Corps

Encadrement — Application

Type d'unité

Unité d'Appui Opérationnel — Service Spécialisé

Titres et homologations

Citation à l'Ordre de la Nation

Né le 2 juillet 1934 à Paris (XIIIe) de Hubert Gondry et Émilie Giraud ; époux de Jeannine Mérard et père de deux enfants.

Dès l’âge de vingt ans, déjà doté d’un grand sens du devoir, Émile Gondry avait rejoint les sapeurs pompiers de Paris à la caserne de Champerret de 1954 à 1957, année de son entrée dans la Police.

Cité à l’ordre de la Nation ; nommé au grade de Chevalier de la Légion d’honneur ; médaille des actes de courage et de dévouement – échelon Or ; médaille d’Honneur de la Police Française ; médaille de vermeil de la ville de Paris.

Promu Officier de paix à titre posthume ; inhumé au cimetière de Gonesse dans le Val d’Oise.

Page réalisée avec l’aimable autorisation de sa famille.

Sources et références

BODMR n° 07 du 28/04/1984 ; Entretien avec M. Gondry — Journal officiel du 02/06/1983, pages 1669 et 1670, “Citations à l’ordre de la nation” Libération, article de Dominique Simonnot du 22/10/2005 , “L’hypothèse que nous défendions a failli”Le Nouvel Obs du 28/11/1986, pages 81 et 82, “Terrorisme, les tueurs sont-ils dans le box ?” — Le Nouvel Obs du 20/07/1984, pages 24 et 25, “Action Directe: le coup d’arrêt” Paris Match du 17/06/1983, pages 90 à 102, “La révolte des flics” Action Directe de Alain Hamon et Jean-Charles Marchand (éd. Seuil 1986) — La longue traque d’Action Directe par Roland Jacquard (éd. Albin Michel 1987)Si ma Police vous était contée de Bernard Pasqualini (éd. Pygmalion 2013)La mémoire du plomb par Karl Laske (éd. Stock 2012) — Des Affaires très spéciales de Jean-Marie Bourget et Yvan Stefanovitch (1986)

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  1. Je ne t’oublie pas Émile et toi Claude, j’étais à votre brigade et j’habitais Gonesse. On faisait les soirées, la route, ensemble en voiture. J’étais à l’époque un bleu et toi Émile tu nous entourais de ton expérience et de ton affection tu es devenu un modèle pour moi que j’ai appliqué par la suite aux jeunes. Je ne vous oublierai jamais.

  2. Je ne me rappelais pas que la tuerie de l’avenue Trudaine à Paris était intervenue un 31 mai.
    Mais je me souvenais du traumatisme causé au sein de la préfecture de police et de l’institution policière, des obsèques sous tension des deux victimes, de la manifestation d’hostilité au ministre Badinter devant la Chancellerie.
    Quel réconfort de lire le message de Martine Gondry, dont je salue le fils, Sébastien : son choix d’orientation professionnelle a donné du sens à la “vie d’après” !
    Bien solidairement.

  3. Monsieur le Président,

    Ce jour là avenue Trudaine, une fusillade a éclaté
    D’un coté il y avait ce groupe de policiers
    Et de l’autre, Action Directe, des fanatiques extrémistes
    Qui n’ont pas hésité un seul instant à ouvrir le feu
    Afin d’ôter la vie à ces hommes qui vivaient pour nous protéger
    Ce jour-là plusieurs personnes ont été blessées

    Ce jour-là deux hommes ont perdu la vie
    Le premier a été horriblement torturé
    Car c’est sur le trottoir, à coup de pied, qu’il s’est fait achever
    Le deuxième, Emile, a été lâchement abattu par derrière
    D’une seule et unique balle qui lui a transpercé le cœur

    Monsieur le Président,

    Ce jour là les ténèbres se sont abattues sur leurs deux familles
    Sans compter leurs nombreux amis plongés dans la douleur
    Ces gens ont laissé veuve une jeune maman enceinte jusqu’aux yeux
    Et Emile a laissé deux filles détruites par cette tragédie

    Ainsi qu’une veuve inconsolable qui a perdu tout goût à la vie
    Toute cette douleur, tout ce sang, toutes ces larmes
    Toute cette violence, mais au nom de quoi ?
    Pour une poignée d’anarchistes, fous et dangereux?
    Qui au nom d’une doctrine utopiste et fantaisiste
    Ont semé la mort autours d’eux à de nombreuses reprises
    Et ont fauché ce jour-là ces deux hommes

    Monsieur le Président,

    Il y a une chose qui plus que tout me révolte
    C’est que tout ceci aurait dû être évité
    Car votre prédécesseur, au nom de la grâce présidentielle
    A ouvert par sympathie politique les verrous de leur prison
    Où ils y étaient pourtant enfermés du fait de leur dangerosité

    Monsieur le Président,

    Ces deux hommes sont tombés victime de leur devoir avec courage
    Mais après leurs funérailles officielles ils sont tombés dans l’oubli
    Heureusement, leurs auteurs ont été punis
    Mais vous refusez que soit érigée une plaque leur rendant hommage

    Car d’après vous, en tant que policiers, ils avaient le droit de se faire tuer
    Aujourd’hui le temps passe, les années ont laissé place aux décennies
    Mais croyez moi, dans le cœur de ces familles, cette blessure reste béante
    Car ces gens, s’ils ne sont pas morts, sont désormais tous en liberté
    Avec une chance de reconstruire leur vie
    Alors que pour ces familles, l’histoire s’est arrêtée le 31 mai 1983
    Et rien ne pourra jamais estomper leurs douleurs et leurs chagrins.

    Emile, toi le policier tombé sous les balles
    Nous ne nous sommes jamais rencontré
    Et pourtant nous sommes du même sang

    Car tu avais raison, c’est ta fille cadette qui t’a donné une petite fille
    De l’avis de tous tu étais un grand homme, alors ces quelques lignes sont pour toi
    Pour que jamais personne n’oublie ton histoire.

  4. Papa,

    Mardi 31 Mai 1983, par une magnifique journée ensoleillée, paisible, trois hommes en civil sonnent à la porte de la maison, ils font face à maman, à Françoise, ta fille aînée, à leurs côtés, Sébastien, petit bonhomme de cinq ans, ton petit-fils, que tu adorais plus que tout, tu en serais très fier, il a repris le flambeau, il est brigadier-chef à Paris.

    Maman et Françoise ont compris tout de suite, tu nous avais tellement préparées à cette éventualité même si tu te voulais rassurant, pauvre maman, qui, comme toujours est restée digne face à l’horreur de l’annonce de cette terrible nouvelle, qui figea nos vies, nos destinées.

    Une balle de révolver de gros calibre venait de te sectionner l’aorte, de t’ôter la vie, de couper ce cordon qui nous unissait, maman, Françoise, moi et Sébastien, à l’idole de notre vie, à toi Papa. Car oui nous étions tes fans comme tant d’autres personnes.

    Toi qui étais apprécié, nous avons reçu tant de lettres de soutien, de réconfort, tu aimais la vie, tu aimais les gens, tu aimais rire, tu étais très taquin, généreux, loyal. Tu étais aimant et aimé.

    Tu exerçais ton métier avec passion, ténacité, sérieux. Tu étais un grand sportif mais également un artiste, tu as fait du théâtre, tu chantais merveilleusement bien, avec ta belle voix de ténor qui égayait chaque jour notre quotidien, je connaissais ton répertoire par cœur. Tu appréciais les jeunes, tu pratiquais le basket avec eux, une autre passion, tu étais à leur écoute, leur confident.

    Je suis restée seule face à maman terrassée par la douleur, face à cette chaise vide qui n’attendait que toi, nous avons été très vite rattrapées par cette triste réalité, nous avons tout de suite réalisé que notre vie ne serait plus la même. J’ai porté maman à bout de bras, je l’ai choyée, réconfortée, je voulais qu’elle reprenne goût à la vie malgré tout, mais je n’étais pas toi.

    Il y a eu la vie d’avant et la vie d’après. Je n’étais plus la même, je suis devenue une révoltée, et maman l’ombre d’elle-même, j’en voulais à la terre entière. Une partie de m’a vie s’en est allée, ce 31 mai, elle a suivi ton chemin.
    Papa, je suis fière d’être ta fille, de porter ton nom, des valeurs que tu m’as inculquées. Fière de toi, de ta personnalité. Fière comme lorsque je marchais à tes côtés.

    Désormais tu es là, tout au fond de mon cœur, à tout jamais, aux côtés de maman…

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