Mémorial des Policiers français Victimes du Devoir

« Il y a quelque chose de plus fort que la mort,
c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants. »

Jean d’ORMESSON

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Gardien de la paix

Maxime TRUCHET

Victime du Devoir le 11 septembre 1937

Département

Paris (75)

Affectation

Sécurité Publique (PP) — Paris 8ème

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Circonstances

Cause du décès

Engin ou projectile explosifs

Contexte

Guerre — Terrorisme

Dans la soirée du samedi 11 septembre 1937, deux bombes artisanales explosaient à quelques minutes d’intervalle dans le Quartier de l’Étoile dans le 16ème arrondissement de Paris (Seine).

Au 45 rue Boissière, l’immeuble abritant l’Union des Industries et Métiers de la Métallurgie s’était partiellement effondré ; même scène de guerre au 4 rue Presbourg, où s’était installée depuis quelques mois la Confédération Générale du Patronat Français.

Les sapeurs-pompiers des casernes François-Millet, Mesnil, Boursault et Yser furent dépêchés sur les lieux devant une foule terrorisée. Alors qu’ils inspectaient les décombres, ils découvrirent les corps mutilés de deux gardiens de la paix, venus prendre leur service en faction devant le bâtiment de la C.G.P.F, en sécurisation d’une réunion de délégués des différents comités départementaux.

Transportés à la maison de secours Marmottan, les agents Maxime Truchet et Victor Légnier, âgés de vingt-quatre et vingt-et-un ans, furent les seules victimes des explosions.

L’enquête établit que deux caissettes de bois blanc adressées par une fallacieuse maison de disques furent déposées par de mystérieux livreurs aux réceptionnaires des deux adresses.

Les techniciens du laboratoire de la Préfecture de Police, qui recensaient et examinent tous les engins trouvés sur les scènes d’attentats depuis un an, révélaient que l’explosif utilisé n’était pas fabriqué par les usines françaises.

En outre, le système d’horlogerie et le mécanisme des détonateurs employés démontreraient que les engins venaient d’ateliers de chargement dotés d’un outillage perfectionné, et ne pouvaient être le fait d’activistes isolés comme au temps des attentats anarchistes. Même si les explosions provoquèrent de nombreux éclats, il s’agissait d’engins dits de démolition, utilisés spécifiquement pour la destruction.

Ce double-attentat non revendiqué agita la classe politique et mit le gouvernement du Front Populaire dans une posture délicate, dans la mesure où le patronat semblait être la cible logique ; une marque révolutionnaire dont la portée symbolique fut renforcée par la mort des deux policiers.

On soulignait d’avantage la méthode anarchiste née de la fièvre ouvrière, mais on accusait également tantôt les soviétiques ou les allemands. Les organes de presse des partis de gauche dénonçaient de leur côté un attentat fasciste, et évoquaient une sanglante et grossière provocation destinée à stigmatiser la classe ouvrière.

Dans une déclaration de principe, le ministre de l’intérieur Marx Dormoy avança que la responsabilité de l’attentat n’incombait pas à de simples ouvriers, et que ce dernier était probablement destiné à provoquer une grande instabilité intérieure.

Tandis que le gouvernement offrait une récompense de 100.000 francs à toute personne permettant la découverte des auteurs des attentats, les renseignements généraux activaient leurs réseaux d’indicateurs.

Le 16 octobre suivant, des douaniers suisses firent une découverte déterminante de lots de cartouches ayant chuté d’un chargement le long de la Nationale 5 entre Saint-Cergue et La Cure.

Leurs homologues français appuyés par la brigade mobile de la police judiciaire remontaient la piste du propriétaire d’une automobile signalée le matin même à la frontière, et domicilié à Paris à la Porte d’Auteuil. Surveillé en permanence, le suspect pris en filature de Paris jusqu’à la frontière suisse fut interpellé dès le lendemain à Saint-Claude dans le cadre d’un trafic d’armes.

Soigneusement questionné par les inspecteurs chevronnés de la rue des Saussaies, Fernand Jakubiez, vingt-sept ans, révèla l’existence d’une association de malfaiteurs disposant d’un véritable centre opérationnel dans les souterrains d’une villa à Reuil (Seine-et-Oise), constitué d’un arsenal, d’une infirmerie, et même d’une prison clandestine.

Les interpellations se multiplièrent et dévoilaient l’existence d’une mystérieuse Organisation Secrète d’Action Révolutionnaire Nationale dotée d’une solide ramification sur l’ensemble du territoire français.

Des dizaines de structures du même type militaire et des dépôts dans lesquels furent emmagasinées quantités d’armes, de munitions, du matériel de combat dans des caves bétonnées, furent retrouvés ; soient trois tonnes en armes et munitions saisies.

Le 25 novembre, l’ingénieur du génie maritime Eugène Deloncle, quarante-six ans, polytechnicien, agitateur politique à la personnalité puissante, fut arrêté à Paris où il changeait de domicile chaque nuit.

Membre dissident de l’Action Française, d’obédience nationaliste royaliste, fondateur du Parti National Révolutionnaire dissout en 1936, il fut considéré comme le chef suprême de l’O.S.A.R.N.

Dénonçant depuis plusieurs années l’imminence d’un putsch communiste, il était suspecté et recherché depuis les premières investigations. Les perquisitions menées dans les différentes officines qu’il avait occupées furent déterminantes.

En outre, deux mécanismes de bombes à retardement similaires à ceux utilisés dans l’attentat furent découverts dans une casemate sous le Centre de Radiesthésie du 64 rue Ampère, 17e arrdt.

Le lien entre cette association de malfaiteurs et l’attentat de l’Etoile fut établi ; et une information judiciaire ouverte pour complot contre la sûreté de l’État par M. Béteille, juge d’instruction au parquet de la Seine.

Le 9 décembre, un industriel auvergnat très influent, officier de réserve, fut interpellé avec un complice à Paris alors qu’il était sur le point de gagner la Suisse avec une importante somme d’argent. François Méténier, quarante-et-un ans, était l’intermédiaire indispensable entre l’O.S.A.R.N. et les bailleurs de fonds.

Le 16 décembre, à mesure des arrestations, un nouvel arsenal et un véritable magasin d’habillement capable de fournir près de sept-cent uniformes aux activistes de l’O.S.A.R.N furent découverts. En sus d’une conspiration active depuis plusieurs années, un véritable coup d’État en sommeil venait d’être démantelé.

Le 11 janvier 1938, le ministre de l’intérieur déclara que les auteurs de l’attentat de l’Étoile étaient identifiés. Parmi les suspects les plus éprouvés par les interrogatoires, Pierre Locuty, ingénieur des usines Michelin à Clermont-Ferrand, se montra le plus prolixe. Recruté par Méténier, il indiqua avoir prêté allégeance à l’O.S.A.R.N, à la section locale de cette même ville, pour défendre de bonne foi son pays contre le péril communiste.

Locuty était convoqué à Paris par Deloncle et Jean Filiol, cofondateur du P.N.R. dissout, avec lesquels il avait assisté à la confection des bombes et desquels il avait reçu les instructions préparatoires à l’attentat. Était présent également Jean Moreau, ingénieur des pétroles, administrateur délégué de la société textile ardennaise, haut responsable de l’organisation chargé des questions logistiques.

Locuty avait participé directement à la livraison de l’une des bombes meurtrière, rue Presbourg ; l’autre livreur, Jean Macon, le concierge du centre de radiesthésie devenu logisticien de l’organisation, aurait agi rue Boissière. Alerté de son arrestation imminente, celui-ci avait pris la fuite en Espagne franquiste.

A l’été 1938, la police judiciaire avait procédé à plus d’une centaine d’interpellations de “cagoulards”. L’O.S.A.R.N. fut effectivement rebaptisée par la presse par le terme péjoratif La Cagoule ; rapport aux rites initiatiques calqués sur le modèle franc-maçon qui attendaient les membres du groupe rigoureusement sélectionnés.

Les hauts responsables, instigateurs du mouvement, étaient tous des dissidents des ligues nationalistes et royalistes de l’Action Française et des Croix-de-Feu, dissoutes par le gouvernement de Léon Blum en 1936.

Le 11 octobre 1948, dans un procès qui n’a pu survenir qu’aux lendemains de la seconde guerre mondiale, la cour d’assises de la Seine fit comparaître quarante-neuf cagoulards en dépit de nombreux absents parmi les instigateurs du mouvement.

Les chefs d’accusation mêlèrent conspiration, complot contre la sûreté de l’État, financements occultes et crapuleux liés à des assassinats perpétrés pour le compte de mouvements fascistes étrangers, trafics d’armes, etc.

Deloncle et Moreau étaient morts, Locuty et Filiol en fuite à l’étranger. Seuls Meténier et Macon étaient présents sur le banc des accusés pour répondre de l’attentat de l’Etoile. Ils furent condamnés respectivement à vingt ans et cinq ans de travaux forcés.

Sept condamnations à mort par contumace furent prononcées, ainsi que quatre amnisties, onze acquittements, treize sursis et dix condamnations à de la prison ferme.

Jakubiez, impliqué avec Filiol dans l’assassinat de personnalités politiques étrangères en échange de financements occultes écopa de la plus lourde peine : travaux forcés à perpétuité.

Biographie

Direction d'emploi

Préfecture de Police

Corps

Encadrement — Application

Type d'unité

Unité de Voie Publique — Service Général

Né le 27 janvier 1913 à Saint-Lupicin (Jura) d’Arthur Truchet et Olympe Patillon ; époux de Simone Pacoud, sans enfant ; domicilié 18 rue des Vignerons à Vincennes.

Entré dans l’administration le 1er juillet 1936. Médaillé d’or des actes de courage et de dévouement à titre posthume.

Inhumé au cimetière de sa ville natale dans une concession familiale.

Sources et références

“Souvenirs de police : la France des faits divers et du crime vu par des policiers (1890-1939)” de Bruno Fuligni — Excelsior du 11/01/1938, “Les auteurs de l’attentat de l’étoile sont connus” — Le Petit Parisien du 18/11/1937, “Le complot contre la sûreté de l’Etat : sept conspirateurs sont déjà arrêtés” — Excelsior du 18/11/1937, “La nouvelle affaire d’armements clandestins” — La Petite Gironde du 14/09/1937, “Le gouvernement offre 100.000 francs […]” — L’Echo de Paris du 13/09/1937, “Les attentats de la rue Presbourg et de la rue Boissière” — Le Petit Journal du 12/09/1937, “Deux actes de terrorisme dans le quartier de l’étoile”

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